05 agosto, 2024

tornar-se animal, uma cosmologia terrestre

 


Écrire est une entreprise étrange, qui nous embarque dans des moments de délire splendide et d’autres de perplexité interdite, et de là nous fait passer par des étendues de calme et de concentration productive. Tracer des mots est une pratique relativement récente pour l’animal humain. Nous autres bipèdes, nous avons longtemps été des créatures de langage, bien sûr, mais le langage verbal a vécu d’abord dans la forme proférée, il a ri et bégayé bien avant d’être couché sur la page, et bien plus longtemps encore avant d’être projeté à travers l’écran lumineux.
Alors que les personnes de cultures de l’écrit parlent souvent au sujet du monde naturel, les peuples indigènes de culture orale parlent parfois directement à ce monde, considérant certains animaux, plantes et même des paysages comme des sujets expressifs avec lesquels ils peuvent engager une conversation. Il est évident que ces autres êtres ne parlent pas une langue humaine ; ils ne parlent pas en mots. Ils peuvent parler par le chant, comme beaucoup d’oiseaux, ou en rythme, comme les criquets et les vagues de l’océan. Ils peuvent parler un langage de mouvements et de gestes, ou s’articuler par la variation des ombres. De nombreux peuples autochtones supposent que de telles formes de parole expressive sont aussi communicatives, à leur manière, que le discours plus verbal de notre propre espèce (qui, après tout, peut aussi être considéré comme une sorte de gesticulation vocale, ou même une sorte de chant). Le langage, pour les peuples traditionnellement oraux, n’est pas un attribut spécifiquement humain, c’est une propriété de la terre animée à laquelle nous, humains, participons.
Le langage oral souffle en bourrasque à travers nous – nos phrases sonores naissent du même air qui nourrit les cèdres et gonfle les cumulus. Étendus et immobilisés sur une surface plate, nos mots tendent à oublier qu’ils sont portés par cette terre balayée par les vents ; ils se mettent à imaginer que leur tâche première est de fournir une représentation du monde (comme s’ils en étaient en dehors et ne faisaient pas réellement une partie de ce monde). La puissance du langage reste néanmoins avant tout une manière de chanter pour entrer en contact avec autrui et avec le cosmos – une manière de combler le silence entre soi-même et une autre personne, ou un ours brun étonné, ou le croissant de lune qui surgit comme une voile gonflée au-dessus du toit. Qu’il retentisse sur la langue, qu’il soit imprimé sur une page ou qu’il scintille sur un écran, le don premier du langage n’est pas de re-­présenter le monde autour de nous, mais de nous appeler à la présence vitale de ce monde – et à une présence profonde et attentive les uns avec les autres.
Cette capacité ancestrale de la parole sous-tend nécessairement tous les autres rôles que le langage a acquis par la suite. Que nous maniions nos mots pour décrire un paysage, pour analyser un problème, ou pour expliquer comment fonctionne un appareil quelconque, aucun de ces rôles ne serait possible sans la puissance primordiale de la profération, qui fait résonner nos corps les uns avec les autres et avec les rythmes qui nous entourent. Le brame du cerf en automne le fait aussi, de même que le cri des oies qui volent vers le sud pour l’hiver. Cette couche tonale de la signification – la strate de l’expression spontanée et corporelle que déploient inlassablement les cultures orales et que la culture de l’écrit oublie bien trop facilement – constitue la dimension même du langage que nous, les bipèdes, partageons avec les autres animaux. Nous la partageons aussi avec les gémissements du vent hivernal qui traverse les branches devant mon atelier. Au printemps, les bourgeons sur ces branches déploieront de nouvelles feuilles, et en été, le vent parlera avec un millier de langues vertes en se précipitant à travers les mêmes arbres, produisant un chœur de bruissements et de chuchotements très différents des soupirs plaintifs de l’hiver. Et toutes ces feuilles bavardent nourriront ma pensée l’été prochain, lorsque je serai assis devant la porte ouverte pour écrire et réfléchir.
Ces pages, elles aussi, ne sont rien d’autre que des feuilles qui parlent – leurs idées suscitées par les vents, leur vitalité reposant sur la lumière périodique du soleil et la fraîcheur de l’eau sombre qui sourd depuis les profondeurs. Entre dans leur abri. Écoute attentivement. Autre chose que l’esprit humain est en jeu ici.
 
 
David Abram
 
 
Escrever é um ato estranho, leva-nos a momentos de delírio esplêndido e a outros de perplexidade interdita, lugar por onde nos perpassam nos faz passar por planícies de calma e concentração produtiva. Traçar palavras é uma prática relativamente recente para o animal humano. Nós, os bípedes, somos  há muito tempo criaturas da linguagem, é claro, mas a linguagem verbal viveu primeiro na forma proferida, riu e gaguejou muito antes de se deitar na página, e muito mais antes de se projetar no ecrã luminoso.
Enquanto as pessoas de culturas da escrita muitas vezes falam sobre o mundo natural, os povos indígenas de cultura oral às vezes falam diretamente para este mundo, considerando alguns animais, plantas e até paisagens como temas expressivos com os quais podem entabular uma conversa. É evidente que esses outros seres não falam uma língua humana; eles não falam com palavras. Podem falar pelo canto, como muitos pássaros, ou pelo ritmo, como os grilos e as ondas do oceano. Podem falar uma linguagem de movimentos e gestos, ou articular-se pela variação das sombras. Numerosos povos autóctones supõem que tais formas de expressão são tão comunicativas, à sua maneira, quanto o discurso mais verbal da nossa própria espécie (que, afinal, também pode ser considerado uma espécie de gesticulação vocal, ou mesmo uma espécie de canto). A linguagem, para os povos tradicionalmente orais, não é um atributo especificamente humano, é uma propriedade da terra animada na qual nós, humanos, participamos.
A linguagem oral sopra em borrasca através de nós - as nossas frases sonoras nascem do mesmo ar que alimenta os cedros e engorda os cumulus. Estendidos e imobilizados numa superfície plana, as nossas palavras tendem a esquecer que são levadas por esta terra varrida pelos ventos; elas põem-se a imaginar que a sua primeira tarefa é fornecer uma representação do mundo (como se estivessem fora e não fizessem realmente parte deste mundo). O poder da linguagem, no entanto, continua a ser, acima de tudo, uma maneira de cantar para entrar em contacto com os outros e com o cosmos - uma maneira de preencher o silêncio entre si e outra pessoa, ou um urso castanho maravilhado, ou a lua crescente que surge como uma vela inchada em cima do telhado. Quer soe na língua, quer seja impressa numa página ou brilhe num ecrã, o dom primário da linguagem não é re-presentar o mundo à nossa volta, mas chamar-nos à presença vital deste mundo - e a uma presença profunda e atenta uns com os outros.